dimanche 27 septembre 2009

La recherche du carré magique

Lu dans la Tribune - 25/09/2009
Extrait de l'article de Erik Izraelewicz qui entre dans la ligne droite de ce que nous avons tenté de démontrer dans notre conférence de jeudi dernier.

...La crise a révélé la fin de ce triangle d'or (satisfaction du client, du personnel et des actionnaires), sa déformation. Sous l'effet de la financiarisation de l'économie, l'entreprise avait été conduite à abandonner ce qui constituait à l'origine sa raison d'être : la production de richesses pour tous. Elle ne fonctionnait plus, ou presque, que pour un seul objectif : dégager, à court terme et systématiquement, de la valeur, un maximum de valeur pour ses propriétaires. Le capital financier avait pris le dessus. Il avait imposé ses lois : la priorité absolue au ROE (le rendement financier sur capital), la vision à court terme, la négligence des intérêts des deux autres partenaires de l'entreprise aussi, les « stakeholders », comme disent les Américains, les clients et les équipes. C'est ce que l'on a appelé, un temps, la dictature d'Eva — « economic value-added ».
Avec la crise, Eva s'en va, « DD » s'en vient. « DD », c'est le « développement durable », l'expression qui, souvent galvaudée, traduit pourtant le mieux la mutation en cours. Si l'entreprise ne se réinvente pas, si elle n'élargit pas son horizon de temps et d'ambitions, elle sera promise, c'est sûr, à un triste destin. La crise d'aujourd'hui conduit à l'émergence d'une autre priorité que vont devoir prendre en compte les entrepreneurs — créateurs ou gestionnaires d'entreprise. C'est son environnement, au sens large. Une entreprise ne peut se développer dans une société en voie de décomposition sociale. Elle ne peut prospérer dans un monde qui voit ses ressources rares s'épuiser. Elle a donc aussi une responsabilité lourde vis-à-vis de la société dans son ensemble. On a parlé, il y a quelques années, de « l'entreprise citoyenne ». La formule était peut-être prématurée, voire réductrice. L'entreprise va devoir être de plus en plus socialement responsable, écologiquement adulte et moralement exemplaire... Un retour des valeurs s'impose, la seule valeur actionnariale ne saurait suffire. L'entreprise doit tenir compte d'un quatrième « stakeholder » : c'est la société dans laquelle elle vit. Fini le triangle et ses trois pointes, elle doit trouver un juste équilibre entre ses quatre partenaires. Le triangle est devenu carré. Si la recherche du carré magique s'assimile à nouveau à la quadrature du cercle, elle est pourtant le nouvel enjeu de l'entreprise. C'est la conviction qu'expriment, chacun à leur manière, les experts de HEC et de Bain qui ont contribué à ce supplément exceptionnel de « La Tribune ».

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